Cet après-midi chez un bouquiniste, j’ai rapidement feuilleté un ouvrage d’Étienne Souriau, Les deux cent mille situations dramatiques (Flammarion, 1950, réédition 1970) dont le titre n’est pas sans me rappeler les Dix mille milliards de poèmes de Raymond Queneau. C’est qu’il y est bien question de combinatoire, l’auteur déterminant six fonctions essentilles à parir desquelles sont déterminées toutes les situations dramatiques possibles, qui seraient au nombre de 210 141(1).
Ses idées ont d’ailleurs eu quelques prolongements dans les travaux de l”Atelier de Littérature Assistée par la Mathématique et les Ordinateurs (ALAMO), fortement lié à l’Oulipo. Si j’en crois un article de Josiane Jonquel-Patris, ALAMO : une expérience de douze ans, trouvé su le site de l’oulipien Paul Braffort, dans le cadre de ce groupe de travail, Simone Balazard et Nicole Modiano ont inventé un système de génération de textes dramatiques baptisé SCENARIO,fondé sur le principe imaginé par Etienne Souriau et prolongé par Léon Bopp(2).
Cependant, rappelons à ceux qui ne le sauraient pas (tout comme moi jusqu’à cet après-midi…) qu’en 1895, les situations dramatiques avaient été fixées au nombre de 36 par Georges Polti(3), lequel s’appuyait sur les travaux de Carlo Gozzi et de Johann Wolfgang von Goethe.
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(1) Cf. Jean-Pierre Goldenstein, Lire le roman, De Boeck Supérieur, 2005, p. 64-65.
(2) Cf. Léon Bopp, Philosophie de l’art, Gallimard, 1954.
(3) Cf. Georges Polti, Les 36 situations dramatiques, 3 ème ed. mise au courant et augmentée de trois index bibliographiques des oeuvres et des auteurs cités dans cet ouvrage, Éditions d’aujourd’hui, 1980. Voir sur le sujet : Cécile De Bary « Georges Polti, ou l’anticipation du théâtre potentiel », Poétique 2/2004 (n° 138), p. 183-192. L’ouvrage de Polti en a inspiré d’autres : Marie-France Briselance, Leçons de scénario : les 36 situations dramatiques, Nouveau monde éd., 2006.